Le mardi 12 octobre, le Conseil des Prud’hommes de Saint-Brieuc donnait raison contre l’employeur à une secrétaire médicale suspendue pendant son arrêt-maladie pour avoir refusé le vaccin contre le covid-19. Une première qui pourrait en augurer une autre, puisqu’après ce référé, reste encore à trancher sur le fond la question du droit ou non à refuser les vaccins à ARN messager.
Rétablie dans ses droits sans obligation de vaccin ni de test, Anne-Marie Guezo, défendue dans cette affaire par l’avocat rémois Emmanuel Ludot, n’en est cependant qu’au début de son parcours juridique: « Même pour les avocats, la situation est très nouvelle, et je sais que dans d’autres cas défendus par Emmanuel Ludot, notamment dans le secteur public, la stratégie sera différente. Dans mon cas, parallèlement au référé que je viens de gagner, nous avons déposé une question prioritaire en constitutionnalité ». A présent, ce sera donc ou bien à la Cour de cassation ou au Conseil constitutionnel de dire si la loi du 5 août 2021 établissant l’obligation vaccinale anticovid-19 pour certaines professions comporte des dispositions contraires aux conventions internationales.
Des droits sociaux « acquis » sauf à changer le Code du travail
L’avocat Emmanuel Ludot explique: « Dans l’ordre juridique, la Constitution de 1958 place les conventions internationales au sommet de la pyramide, de sorte que nos lois doivent être conformes aux engagements pris par la France ». Plus précisément, la question prioritaire de constitutionnalité posée rappelle que « les conventions internationales font interdiction à tout pays signataire de priver tout travailleur tel qu’il soit d’une rémunération, d’une protection sociale par différents artifices et notamment une suspension arbitraire du contrat de travail ». A ce stade, ce qui est en cause n’est donc pas l’obligation vaccinale en tant que telle, ni la nature du vaccin, mais la remise en question de droits sociaux. Pour Emmanuel Ludot, il est en effet impossible de revenir sur des « droits acquis », à moins de changer les règles, ce qui au niveau national signifierait une modification du Code du travail et du Code de la santé publique. « Évidemment, on peut imaginer qu’il y aura de telles tentatives, mais à ce moment-là, j’espère bien que les syndicats répondront présents pour l’empêcher et feront leur boulot ! », insiste-t-il.
La question de la nature expérimentale du vaccin à ARN
Quoi qu’il en soit, lorsque l’affaire d’Anne-Marie Guezo, après avis de la Cour de cassation ou du Conseil constitutionnel1, reviendra devant le Conseil des prud’hommes de Saint-Brieuc, il faudra aussi juger s’il est légitime pour un salarié de refuser l’obligation vaccinale anticovid-19 dans l’attente de « la mise sur le marché du vaccin Sanofi ». « Ce que je demande est de pouvoir avoir accès à des vaccins traditionnels à virus atténué, expose Anne-Marie Guezo. Les vaccins anticovid-19 qu’on veut nous imposer sont encore expérimentaux2, car les tests ne sont pas terminés, et nous n’avons aucun recul dessus ». A l’heure où de nouveaux vaccins pourraient rapidement arriver sur le marché (le Valvena est annoncé pour début 2022), et où de nouveaux traitements sont évoqués (traitement Merck également pour début 2022), la question du libre choix non seulement du type de vaccin mais aussi du choix de la stratégie sanitaire nationale sera la toile de fond du 2e examen par les Prud’hommes de l’affaire de Saint-Brieuc. En attendant, lundi 8 novembre, Anne-Marie Guezo retournera travailler.
1La question prioritaire de constitutionnalité sera examinée le 30 novembre prochain.
2Etude Moderna en phase 3 d’essai jusqu’au 27 octobre 2022: https://clinicaltrials.gov/mRNA; étude Pfizer en phase 3 d’essai jusqu’au 2 mai 2023 : https://clinicaltrials.gov/pfizer
Illustration: manifestation du 14 août à Vannes contre le passe sanitaire et l’obligation vaccinale.