Exerçant son activité agricole depuis 1997 sur un terrain de Runello, Olivier Ferrando, après avoir d’abord eu l’idée d’une gamme de cosmétiques à base de plantes, est progressivement venu à la production de liqueurs, sirops, eau de rose et confitures. Résultat d’une évolution réglementaire difficile à suivre pour une petite entreprise, cette reconversion ne l’a en tous cas pas fait dévier de ses pratiques agricoles biologiques et de son goût de la cueillette sauvage.
Quand, peu après son installation à Belle-Ile, Olivier Ferrando commence à cultiver avec son épouse les 2 hectares achetés à Runello, côté Bangor, c’est d’abord pour y planter des petits fruits rouges. Après l’idée qui n’aura pas pu aboutir de créer un pub, ce projet paraît aller comme un gant au jeune couple, Sandrine, l’épouse d’Olivier, ayant une formation de technicienne agricole, et Olivier, qui a démissionné de son poste de portier d’hôpital en région parisienne pour la rejoindre, ne demandant qu’à apprendre. Enthousiastes, ils commencent donc à défricher leur bout de lande « qui n’a jamais connu de produits chimiques ni de passage de gros engins à répétition », et y font pousser cassis, groseilles et myrtilles. Foi de mulot et de merle, on n’avait jamais vu chose pareille à Runello: « Ce qu’on n’avait pas imaginé c’était les pertes que pouvaient occasionner les rongeurs et les oiseaux, se souvient aujourd’hui Olivier Ferrando. Les protections que nous installions représentaient un grand surcoût et finissaient toujours pas se révéler inefficaces. Les merles se gavaient tellement qu’on les voyait régurgiter… ».
Vers la distillation de plantes
Heureusement, à l’époque, tant Sandrine qu’Olivier ont conservé une autre activité professionnelle en parallèle, ce qui leur permet de faire encore quelques essais, notamment avec des arbres fruitiers et des légumes, avant d’enfin pouvoir dire eurêka!
Sur son champ, Olivier Ferrando a mis 5000 m2 en culture et utilise le reste de l’espace pour la cueillette sauvage. « J’irrigue peu et je mets peu de matière azotée dans le compost car pour générer des huiles essentielles et des principes médicinaux, c’est mieux que les plantes soient petites et un peu sèches ».
En 2008, inspirés par la diversité de la flore de leur champ, olivier et Sandrine ouvrent un nouveau chapitre: la production de soins cosmétiques développés à partir de la distillation de plantes. Imaginant une gamme qui comprend savons, huiles de soins, gels douches, etc. et tissant au fil des formations des partenariats avec des professionnels agrémentés, ils gagnent bientôt une renommée locale qui leur donne même la confiance de la thalassothérapie du Castel Clara.
L’alambic avec lequel Olivier Ferrando réalise une distillation non alcoolique. « Je l’utilise surtout pour faire de l’eau de rose et pour la liqueur de menthe. J’achète l’alcool et je rajoute mon distillat ».
Produire des liqueurs
Mais en 2013, patatras ! Une nouvelle réglementation européenne impose de reformuler tous les produits. « Ça faisait fi de l’innocuité déjà prouvée et nous n’avions pas les moyens de tout recommencer selon une procédure qui en plus n’était pas claire du tout, détaille Olivier Ferrando. Pour être bien conseillé il aurait fallu payer très cher, alors, du jour au lendemain, le 11 juillet 2013, on a tout arrêté ».
Et pratiquement du jour au lendemain également, une nouvelle production réorientée vers les liqueurs démarre. Au départ, il y aura d’abord une phase de tâtonnements, avec des formules d’herboristes acides « aux propriétés intéressantes mais pas agréables à consommer ». Jusqu’à ce que, sceptiques, Sandrine et Olivier se laissent un jour convaincre pas un stagiaire de tester le vin d’épines: « Il nous a fait goûter et on a tout de suite aimé. Le succès a d’ailleurs été immédiat, notamment parce que les bars et les épiceries ont joué le jeu ». Viendront ensuite l’hypocras, les liqueurs, digestifs anisés…
Jeune pousse de prunelier d’où Olivier Ferrando tire son vin d’épine. « On les macère dans du vin, de l’eau de vie et du sucre. C’est un apéritif traditionnel de la campagne. On y met notre pâte par la connaissance des bons stades de récolte et le dosage, et en étant soigneux sur la matière première ».
« Ça passe ou ça casse »
Cependant, malgré cette bonne pioche, tout n’est pas rose, puisque le fait de devoir recommencer de presque zéro met en évidence le point faible de l’exploitation: pensée au départ pour générer un revenu complémentaire, elle n’est pas dimensionnée pour être véritablement rentable. « Chaque année, c’est un peu ça passe ou ça casse, expose Olivier, qui s’occupe seul de l’entreprise depuis 2016. Et plusieurs fois on a été à 15 euros de la cessation de paiement. Mais on est toujours là ». A deux ans de la retraite, s’il regrette parfois de ne pas avoir eu le temps d’envisager tous les investissements nécessaires, Olivier Ferrando compte donc bien maintenir son activité… jusqu’au moment où il pourra la transmettre à « des jeunes motivés avec une capacité d’emprunt ».
Contact. Olivier Ferrando, tél. 06.41.55.55.94 – présent sur le marché de Palais le samedi matin, et sur le marché de Bangor le dimanche matin.