Patrick Maudhuy vient de nous quitter à l’âge de 57 ans. Ayant réussi en 6 ans à porter à bout de bras une magnifique ferme qu’il a encore embellie, il aura marqué beaucoup de Bellilois par son caractère solidement trempé. Mais aussi par sa drôlerie et sa générosité. L’article qui suit remonte à septembre 2019:
Arrivé à Belle-Île en 2015 pour devenir éleveur bio de pie noir, Patrick Maudhuy, qui dans une autre vie fut informaticien à Paris, a trouvé dans la ferme qu’il a achetée à Pavillon l’image de carte postale qui l’avait tant fait rêver. Cependant, l’expérience d’un milieu agricole globalement réfractaire aux pratiques apportées par les « néoruraux » le pousse aujourd’hui à appuyer l’arrêté antipesticides du maire de Le Palais, et à souhaiter la création d’une Indication géographique protégée bio pour Belle-Île.
Lassé des allers-retours entre Douai, sa ville d’origine, et Paris, où il a travaillé pendant 20 ans comme informaticien, Patrick Maudhuy a un jour décidé que lire Bretagne Magazine dans le TGV ne lui suffisait plus. En 2015, après une formation en élevage et transformation laitière dans une ferme bio, c’est donc avec l’enthousiasme de celui qui touche son rêve du doigt qu’il achète la ferme de Pavillon, avec ses 36 hectares qui s’étendent entre Taillefer et Port Fouquet. Seul éleveur de bovins bio, le nouvel insulaire débute alors avec 4 génisses.
« Pour mettre une génisse à la reproduction, il faut au moins attendre 15 mois, puis 9 mois pour la gestation, et encore 8 mois pour faire un veau, explique-t-il. Sans compter que pour favoriser la conservation de la race pie noir je vends beaucoup de petites femelles vivantes pour la reproduction. Aujourd’hui, j’ai une quarantaine de bêtes».
Un système alternatif
Une fois le cheptel consolidé, restait encore à trouver un mode de commercialisation pour une viande qui en raison de sa certification biologique ne peut pas emprunter les circuits bellilois classiques : prévu pour les moutons, cochons et veaux, l’abattoir de l’aérodrome ne répond pas aux normes du label bio.
« J’amène les veaux le lundi après-midi à Vannes avec ma bétaillère et ils sont abattus le lendemain, détaille Patrick Maudhuy. Ensuite, la carcasse est récupérée par l’entreprise prestataire de découpe à Baud, et tout arrive conditionné par transport frigorifique à Quiberon. Je n’ai alors plus qu’à réceptionner les paquets à la gare maritime de Le Palais pour faire de la vente directe dans ma ferme ». Pour l’instant seul à devoir recourir à ce système alternatif, ce familier de la filière carnée et fils d’artisan boucher n’en a pas moins participé un temps au Coin des producteurs, où il a plaidé pour la création d’une association des agriculteurs biologiques de Belle-Île.
Des mesures en faveur de l’agroécologie
Mais, impatient devant le « train de sénateur » auquel se développe la filière bio locale, qui concerne presque exclusivement le maraîchage, notre éleveur de pie noir s’était alors vite découragé. Un moment de doute à présent balayé par les récentes prises de position d’élus locaux et régionaux, qui laissent entendre que la Bretagne pourrait bientôt dédier des financements de plusieurs centaines de millions d’euros à l’agroécologie*.
« Avec des mesures comme les arrêtés antipesticides ou les déclarations du président de la région Bretagne qui dit clairement que l’argent de la PAC ira au bio, je me sens soutenu, explique Patrick Maudhuy. Quand je vois ce qui se passe sur le continent, je me dis que ça n’a vraiment pas de sens que certains ici veuillent faire comme si de rien n’était et continuer à utiliser des produits comme le glyphosate ».
Sur une des parcelles qu’il a reprises lors de son installation, Patrick Maudhuy a trouvé les restes calcinés de bidons d’un fongicide appelé Caramba star, notamment utilisé pour le blé.
Sur des « fiches conseil » de chambres d’agriculture*, ce produit est étiqueté cancérigène-mutagène-reprotoxique (CMR).
Diversifier l’activité
Constatant l’arrivée de plus en plus de « néoruraux », celui dont la première expérience agricole avait pourtant consisté à donner un coup de main à son beau-frère dans une exploitation intensive d’élevage porcin, se prend donc à rêver à un retour à la situation du début du siècle dernier, quand Belle-Île comptait de nombreuses fermes « et qu’il y avait de la vie partout ».
« C’est à ça qu’il faudrait revenir, tranche-t-il. L’idée est d’être indépendant et de diversifier au maximum l’activité des fermes, qui pourraient par exemple héberger des chambres d’hôtes ou faire de la transformation laitière ». Mais pour en arriver là, Patrick Maudhuy en convient, encore faudrait-il régler le problème de l’accès au foncier, longtemps limité par « la réticence des gens à laisser leur terre à un agriculteur car ils avaient l’idée de finalement pouvoir vendre à bon prix pour la construction ». Le regard tourné vers des fermes du continent, comme l’élevage pie noir de 7 hectares installé à Plouharnel, qui produit de la viande vendue sur place et au marché de Quiberon et transforme son lait, le propriétaire de la ferme côté mer de Pavillon voit aussi plus loin, vers l’IGP bio qu’il appelle de ses vœux.
1 commentaire
Beau projet, qui nécessite pour se développer une démarche innovante et inventive pour s’adapter aux contraintes inhérentes à l’insularité, à celle d’une économie fragile et à une tradition agricole séculaire reléguée derrière le tout tourisme.