La Une Le Palais Mathias Rossier. Un architecte un brin suisse qui voudrait rendre à Belle-île ce qu’elle lui a donné

Mathias Rossier. Un architecte un brin suisse qui voudrait rendre à Belle-île ce qu’elle lui a donné

par SRG Salaun
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D’origine suisse, Mathias Rossier est installé à Belle-île comme architecte depuis 1998. Après une formation parisienne et un passage infructueux par Port-Navalo, le choix de poser l’ancre à Palais était une deuxième chance. Un pari gagnant pour notre architecte à demeure, qui, malgré les restrictions qui encadrent son activité, savoure toujours sa chance d’exercer dans un « paysage vitrine du Morbihan ».

En 1998, quand il reçoit un coup de fil d’un entrepreneur bellilois qui l’informe que les 2 professionnels du secteur sur l’île, Jacky Christophe et Raymond Dejaeck, prennent leur retraite, Mathias Rossier est un jeune architecte sur le point de jeter l’éponge. Dans son agence de Port-Navalo, ouverte en 1990, peu après l’obtention de son diplôme de l’Ecole spéciale d’architecture de Paris, il a si peu de travail qu’il songe à entamer une reconversion.

« J’ai eu mon diplôme en 1988, l’année de la naissance de mon premier enfant, se souvient-il. Et tout de suite, on a voulu quitter la capitale pour trouver un meilleur environnement pour notre famille. A l’époque, Port-Navalo paraissait idéal, car c’était un endroit préservé de la crise immobilière qui sévissait ailleurs. Mais en fait, ce que j’ai trouvé sur place, c’était une mafia ! »

Premiers contacts avec Belle-Île

Dans un contexte où « 80% des opérations immobilières  sont réalisées par la même agence », dont un des propriétaires avait pour frère un élu local à la fois maire et conseiller général, Mathias Rossier se sent vite hors circuit. Pour lui, la place à prendre à Belle-île est donc une possibilité de nouveau départ. D’autant que, depuis 2 ans, cet Arzonnais malchanceux, qui avait d’abord envisagé un tournant radical et suivi une formation comme charpentier de marine, y a noué des liens dans le cadre d’un cursus d’architecte-paysagiste. Une spécialisation qui étudie les mécanismes qui produisent un paysage particulier et pour laquelle il lui fallait trouver « un paysage » et un maître de stage.

« En 1996, Yves Brien venait d’être élu maire de Palais, et j’ai eu vent de son projet de réouverture de l’enceinte urbaine, relate Mathias Rossier. Il a accepté d’être mon maître de stage, et j’ai présenté un travail qui organisait toute la balade sur l’escarpe, c’est-à-dire le premier rempart en haut de l’avenue Carnot, et la contre-escarpe. Le plan d’origine n’a pas été entièrement suivi, mais il sert encore de canevas à l’entretien du site, qui est aujourd’hui totalement débarrassé des ronces et acacias qui le fermaient ».

Un nouveau départ

Grâce à ce premier contact avec Belle-île, Mathias Rossier décrochera même quelques contrats pour la construction de maisons.

Mathias Rossier est le concepteur de la Maison de l’enfance de Bangor, inaugurée en 2005.

Comme un avant-goût du succès qui l’attend pour l’ouverture de sa première agence du bas de la rue Willaumez, aujourd’hui déménagée un peu plus haut, au numéro 5 bis, à l’emplacement de l’ancien cinéma. «A peine j’ai fini de poser mon enseigne que quelqu’un a poussé la porte pour me commander une maison, se rappelle-t-il encore, à la veille de fêter les 20 ans de ses débuts bellilois. Et dans la foulée, le banquier du Crédit Agricole est passé pour me proposer un prêt à taux zéro que j’aurai bientôt fini de rembourser !»

Le problème du logement cher

Viennent ensuite les commandes publiques : la Maison de l’enfance de Bangor, les ateliers municipaux de Sauzon, la salle du dojo et la salle de gym du Gouerch, les HLM de Sauzon, et, dernièrement, l’aménagement de la gare routière de Palais, aux Glacis. Seule ombre au tableau pour notre dessinateur de plans à la précision toute suisse : les dispositions réglementaires qui imposent une définition stricte de la « maison belliloise ». « Sur le continent, je peux faire une maison de 90m2 pour 100 000 euros, contre plus de 200 000 euros ici, détaille-t-il. Le prix s’explique par les règlements qui nous imposent une toiture en ardoise, des chevronnières, ou encore des souches de cheminée qui coûtent chacune 5000 euros et qui parfois sont seulement décoratives ».

Pour autant, Mathias Rossier ne rejette pas en bloc ces dispositions, qui ont permis de conserver l’homogénéité du paysage. Mais aujourd’hui, alors qu’environ 10 permis de construire par an sont délivrés quand, entre la 2e moitié des années 1990 et le début des années 2000, on a pu atteindre le chiffre de 80 par an, l’architecte de la rue Willaumez considère que « le paysage est fait ».

Vers plus de souplesse

« Maintenant, si parfois on fait une maison un peu différente, ça ne remettra pas en cause l’harmonie du parc immobilier existant, insiste-t-il. D’autant plus que les constructions à venir se feront dans les agglomérations ». En attendant, Mathias Rossier, qui aurait rêvé de disposer d’un terrain appartenant à la mairie, à Bellevue, pour en faire un éco-quartier associant habitat participatif et activité agricole, met à profit les nouvelles législations environnementales pour innover.

Actuellement, Mathias Rossier produit des maisons en carton sur le modèle de celle réalisée par Nicole et Alain Lenoble à Locmaria en 2013.

« Ce que je voudrais, explique-t-il, c’est touver des solutions pour que nos jeunes puissent construire des logements écolos à des prix abordables. Aujourd’hui, à Belle-île, on peut faire de l’autoconstruction en bois. Et je me tourne aussi beaucoup vers les maisons en carton, depuis qu’une première mondiale a été réalisée à Locmaria par Nicole et Alain Lenoble, avec le carton comme isolant porteur ! »

Collaborer avec des indépendants

Dans son agence de la rue Willaumez, petit à petit, notre bâtisseur enthousiate commence donc à imposer sa marque, notamment concernant l’organisation de son entreprise: après avoir, à ses débuts, embauché 2 salariés, notre bellilois d’adoption, qui confie ne pas avoir « l’âme d’un patron », privilégie à présent des collaborations avec des travailleurs indépendants. Aujourd’hui, il sollicite principalement les services de la maître d’oeuvre Dominique Roulet, avec qui il partage son bureau, et d’une jeune architecte récemment installée.

Mathias Rossier devant son agence de la rue Willaumez, où était le vieux cinéma de l’ancien maire de Sauzon Daniel Le Molaire.

En cohérence avec sa philosophie dans sa pratique quotidienne, et de plus en plus dans ses choix de construction, Mathias Rossier a pourtant un regret : ne pas s’être cherché un « maître » pour voir comment fonctionne une grosse agence, avec une identité conceptuelle forte, à sa sortie d’école.

Des idées pour le Gouerch?

Ce qui ne l’empêche pas d’avoir réussi à se forger sa propre grille de lecture…et d’avoir un avis jusqu’à sur la manière dont il conviendrait de reconstruire Notre-Dame :

« J’y mettrais bien un toit en verre, car la plus belle cathédrale c’est celle où on voit le ciel. Je suis sûr qu’au Moyen-Âge, s’ils avaient pu, c’est ce qu’ils auraient fait. Et je ne crois pas qu’il faille gommer l’incendie de son histoire en reconstruisant forcément la flèche à l’identique ». Et pour ce qui est du projet de rénovation des équipements sportifs du Gouerch, dont l’appel d’offre devrait prochainement être mis en ligne par la CCBI ? Là, notre architecte à demeure depuis bientôt 20 ans se montre un peu plus conservateur…et parle avec attachement d’une structure qu’il a en partie contribué à mettre en place, et à laquelle il rêve à présent de rendre sa jeunesse.

Mathias Rossier. 5 bis rue Willaumez, Le Palais. Tél. 02.97.31.45.20/06.13.01.77.55 – archi.belleile@orange.fr

http://www.atelier-architecture-bellilois.com/

10/05/2019

 

 

 

 

 

 

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